Benjamine d’une famille de six, j’ai grandi entourée de cinq grands frères. Lors d’un gel successoral, ils ont pris leur courage à deux mains pour dire à mon père: «Papa, les temps changent: donne-lui des actions comme à tes cinq fils.» Et c’est ainsi que je me suis retrouvée, à 13 ans, actionnaire de l’entreprise familiale et que j’ai participé à mon premier congrès du Groupement des chefs d’entreprise, organisation maintenant connue sous le nom de l’EntreChefs qui souligne son 50e anniversaire cette année.
J’ai codirigé une entreprise non apparentée quelques années, avant de vendre mes parts. J’ai aussi été repreneuse d’une entreprise familiale. Et puis aujourd’hui, ma fille travaille avec moi chez Harmonie Intervention.
On apprend de nos erreurs
Lorsqu’on dirige une entreprise, on fait parfois ce qu’il ne faut pas… et on ne fait pas toujours ce qu’il faut. Eh oui, personne n’est parfait! Par chance, on peut tous s’améliorer si on s’en donne les moyens.
De mon côté, j’ai participé à plusieurs congrès, partout dans le monde, afin de découvrir les meilleures pratiques. J’ai également contacté de nombreux chercheurs pour mieux comprendre le transfert d’entreprise, l’identité de l’entrepreneur, les transitions de rôles au sein de l’entreprise, les changements, la motivation… Ces connaissances, je les partage au quotidien avec les familles en affaires que j’accompagne dans mon travail d’harmonisatrice, ainsi qu’avec les membres de l’EntreChefs, où j’interviens en tant qu’experte.
La plus grande révélation que j’ai eue à ce jour, c’est l’importance de continuer de se parler dans le désaccord: se dire les vraies affaires avec courage et respect. Bien sûr, c’est plus facile à dire qu’à faire!
Pourquoi se parler quand on n’est pas d’accord?
«Je ne veux pas faire de la peine à ma mère, mon fils, mon ami associé.» Aaaaah, que j’ai entendu ça souvent dans mon bureau! En effet, personne ne veut faire de mal aux gens qu’on aime le plus au monde. Toutefois, pour que tout le monde s’épanouisse dans l’entreprise et que celle-ci prospère, il faut absolument être capable d’aborder nos désaccords. Sinon, les non-dits se transforment en frustration, en mésentente et parfois en conflit.
Lorsqu’on pose une question en réunion, on finit inévitablement par entendre «même chose pour moi» ou «ç’a déjà été dit». L’humain est ainsi fait: on a tendance à vouloir aller dans le sens du groupe. Et qu’est-ce qui arrive lorsque notre opinion va à contre-courant? On la garde pour soi-même.
Imaginez ce qui arriverait si, pendant une rencontre au sommet avec les dirigeants, vous décidiez de vous taire pour acheter la paix. Et si c’était vous qui aviez raison et non le reste du groupe? Votre silence pourrait coûter cher à l’entreprise.
Bien s’arrimer pour vivre en co-leadership
Saviez-vous que les plus mal chaussés sont les membres d’une famille en affaires et les associés dans une entreprise? Pour toutes sortes de raisons, ils n’ont pas de rôles et responsabilités clairs et ne font pas de rencontres formelles. Ils se disent «ben non! On fait ça au fur et à la mesure.» Ce qui est très bien, mais pas assez pour enlever les non-dits nuisibles et pour s’entendre stratégiquement sur des sujets de fonds.
Soulevons les sujets tabous et voyons le monde selon les mêmes lunettes et le co-leadership grandira instantanément. Mettre en place des rencontres rythmées de co-leadership s’avère essentiel. Et pour que chacun puisse bien jouer son rôle, assurez-vous de définir :
1) Les rôles et responsabilités de tous les co-leaders;
2) Les valeurs communes vers lesquelles se tourner lors d’un désaccord;
3) Un plan stratégique pour avancer et maintenir le cap.
Une responsabilité partagée
La plupart des désaccords proviennent de besoins différents entre deux personnes ou deux groupes. En sachant cela, comment avoir une équipe ou une famille en affaires tissée serrée si on ne connaît pas les besoins des autres?
Dire les vraies affaires, ce n’est pas seulement bon pour les leaders. C’est tout aussi important pour les employés sur le plancher d’où l’importance de chercher à casser la croyance tenace selon laquelle «ça ne sert à rien de dire ce qu’on pense, car les dirigeants vont finir par engager des consultants qui savent mieux que nous ce qui est bon pour l’entreprise».
Il en va donc de la responsabilité de chacun: la responsabilité du leader d’offrir un cadre sécuritaire aux employés pour communiquer; la responsabilité des employés de profiter du cadre sécuritaire pour exprimer leurs besoins.
Quand une équipe prend son courage pour se dire les vraies affaires avec respect et collabore pour que ses membres avancent dans la même direction, c’est puissant. Quand chacun met son énergie et sa créativité au service du bien collectif, c’est tout simplement extraordinaire!
Sylvie Huard
Moi-même entrepreneure, repreneure et cédante à plusieurs reprises, le terrain en matière de transfert d’entreprise, je m’y connais! Eh oui, j’ai réalisé 10 transactions d’actions, dont 3 en entreprises familiales. J’ai aussi eu le grand privilège d’occuper le poste de PDG au sein d’une entreprise qui a vu ses ventes passer de 13 à 100 millions de dollars en 11 ans.
Malgré un parcours enrichissant dans le monde des affaires, un MBA et un baccalauréat en psychologie, je suis en perpétuelle formation, cherchant sans cesse à raffiner mon art.
Accompagner une famille en affaires, c’est plonger au cœur non seulement de son entreprise, mais aussi de son intimité. Et c’est pour créer ce sentiment de confiance essentiel pour se dévoiler et se dire les vraies affaires, même quand c’est difficile, que je mets tout en œuvre pour créer des espaces intergénérationnels sécurisants.
Chacun a sa propre façon de redonner au suivant. Pour ma part, je me dédie au bien-être des individus et des familles par la recherche et l’écriture. Dans Entreprise familiale : jaser d’affaires en famille sans cocotte de vaisselle , j’ai voulu outiller les familles à préserver l’harmonie familiale et la pérennité de leur entreprise.