Voulez-vous que je lise ce billet pour vous?
« Il faut beaucoup de délicatesse, de respect et d’amour de la part des adultes pour ne pas abuser de leur autorité »
Pierre Bertrand
Plusieurs malentendus peuvent émerger au sein d’une famille en affaires. Ces malentendus découlent souvent de non-dits qui animent les différentes générations. Les parents considèrent que les jeunes ne se responsabilisent pas assez et la relève ne veut surtout pas bousculer ceux qui sont en autorité. J’ai vécu cette situation dans mon propre conseil de famille, lorsque j’ai compris que ma fille n’osait pas partager toutes ses idées ou ses opinions avec moi. Or, la clé de la pérennité de l’entreprise repose sur ce partage. Nous avons vu dans le dernier billet de blogue que chaque voix est importante au sein d’une entreprise afin d’atteindre le « brain » collectif , une vision à 360 degrés constituée du savoir de tous les membres de l’organisation. Afin d’entendre ces voix, il est nécessaire d’établir une communication saine au sein de cercles de communication permanente tels que le conseil de famille. J’entends déjà votre question : une communication saine, ça repose sur quoi ? Eh bien chaque participant au conseil de famille devrait se sentir tout à fait à l’aise de partager son opinion librement, sans aucune censure, et ce, peu importe l’opinion du leader. Cette liberté n’est pourtant pas si simple à mettre en place en raison, entre autres, de ce que j’appelle la triple autorité. J’ai compris que cette réalité était présente dans mon propre conseil de famille, animé par une personne externe, quand ma fille a demandé de s’entretenir avec elle sans moi. Oh mon dieu! Moi qui me considère comme une femme ouverte, accueillante, respectueuse, comment se fait-il que ma fille ne soit pas à l’aise de parler en ma présence ? Après quelques réflexions, j’ai réalisé que je portais une triple autorité dont je n’étais pas consciente :
- Autorité de mère
- Autorité de boss et de fondatrice
- Autorité du cordon de la bourse
Alors quand vient le temps pour ma fille de partager un point qui me fera peut-être de la peine ou qui ira carrément à l’encontre de ce que je crois, il est possible qu’elle se dise : Mais qui suis-je, moi, pour savoir mieux qu’elle ce qui est bon pour l’entreprise ? Ma fille m’attribue donc une crédibilité qui mine la sienne et qui brise la confiance sur laquelle repose la communication. Et c’est à ce moment précis que l’entreprise et la famille perdent. Le simple fait de prendre conscience de la triple autorité qui plane sur la famille s’avère déjà, à mon avis, une grande avancée pour éviter d’éteindre le « brain » collectif. Pourquoi ? Parce que je considère que la majorité des membres d’une famille sont bien intentionnés. Les enfants comme les parents veulent le bien de l’autre. Une fois que les membres de la famille ont pris conscience de cette réalité, ils peuvent mettre en place des mesures pour faciliter la communication entre la triple autorité et les enfants. Se doter d’un conseil de famille animé par un externe peut être d’une grande aide pour ce défi. Le rôle de l’animateur du conseil de famille est de créer une ambiance propice aux échanges tout en partageant ses connaissances pour assurer une meilleure cohésion au sein de la famille en affaires. Cet animateur doit donc être doté de plusieurs forces :
- Capacité de ne rien prendre personnelle
- Crédibilité
- Bienveillance
- Gestion du temps
- Médiation
L’animateur externe contribue donc à ce que chacun se sente entendu et compris et favorise les conflits constructifs. Afin que chaque membre puisse s’exprimer, je priorise un ordre de parole bien précis lorsque j’anime des conseils de famille : j’invite la jeune génération à parler en premier. La parole va d’abord à celui qui, dans la jeune génération, parle le moins vers celui qui parle le plus. Quand la jeune génération a parlé, on passe à la plus expérimentée, en respectant toujours l’ordre de parole : du plus silencieux au plus volubile. Un conseil de famille animé par un externe permet donc à tous les membres de contribuer au conseil de famille sans avoir le poids de ce rôle sur leurs épaules. En bref, se doter d’un conseil de famille dans lequel on respecte un ordre de parole permet d’ouvrir la discussion afin que les parents expriment leurs attentes envers leurs enfants et que la relève partage ses idées librement sans avoir peur de bousculer l’autorité. Si la triple autorité engendre un manque de communication, une autre variable peut expliquer la difficulté de communiquer au sein d’une entreprise familiale : la capacité d’adaptation et de cohésion.
Puisque l’atteinte d’une complicité entre les générations peut être grandement facilitée par une saine gestion des émotions, je vous invite à consulter ma série de billets de blogues qui démystifie la mine d’or d’informations que représentent les émotions en affaires.
Sylvie Huard
Moi-même entrepreneure, repreneure et cédante à plusieurs reprises, le terrain en matière de transfert d’entreprise, je m’y connais! Eh oui, j’ai réalisé 10 transactions d’actions, dont 3 en entreprises familiales. J’ai aussi eu le grand privilège d’occuper le poste de PDG au sein d’une entreprise qui a vu ses ventes passer de 13 à 100 millions de dollars en 11 ans.
Malgré un parcours enrichissant dans le monde des affaires, un MBA et un baccalauréat en psychologie, je suis en perpétuelle formation, cherchant sans cesse à raffiner mon art.
Accompagner une famille en affaires, c’est plonger au cœur non seulement de son entreprise, mais aussi de son intimité. Et c’est pour créer ce sentiment de confiance essentiel pour se dévoiler et se dire les vraies affaires, même quand c’est difficile, que je mets tout en œuvre pour créer des espaces intergénérationnels sécurisants.
Chacun a sa propre façon de redonner au suivant. Pour ma part, je me dédie au bien-être des individus et des familles par la recherche et l’écriture. Dans Entreprise familiale : jaser d’affaires en famille sans cocotte de vaisselle , j’ai voulu outiller les familles à préserver l’harmonie familiale et la pérennité de leur entreprise.