Combien de repreneurs et de cédants ont basculé du « côté obscur » de la fougue en s’emportant sur des sujets leur tenant personnellement à cœur ? Parfois, ils oublient les autres employés présents qui préféreraient ne pas assister à ce « duel » familial. Et souvent, ils ne savent même pas comment ils en sont arrivés jusque-là !
Il s’agit d’une situation récurrente qu’expérimente la majorité des familles en affaires que nous rencontrons, moi et ma fille Jade Bélanger au sein de notre entreprise Harmonie Intervention. Même nous, nous ne sommes pas à l’abri de ce piège.
La ligne est bien mince entre les affaires personnelles et les défis professionnels qu’ont à gérer les cédants et les repreneurs d’une même famille. Lors d’une réunion d’équipe, il se peut qu’ils n’aient pas toujours conscience que certaines de leurs remarques « débordent » de la sphère du privé, mettant le reste des employés mal à l’aise. Parfois, ce n’est même pas une question de proposition, mais plutôt d’intensité. En règle générale, on ne parle pas à son patron comme à un proche. Mais lorsque le patron est notre mère, notre père, notre oncle ou notre sœur, notre proximité avec eux peut nous amener à les aborder différemment. On est plus familier. On se donne le droit de les challenger plus directement. Cette attitude peut être mal perçue par celui dont l’autorité est minée devant ses employés.
Prenons l’exemple typique d’un repreneur qui arrive dans l’entreprise fondée par un de ses parents. Il cherche à faire sa place et à mettre à profit son potentiel. Le cédant l’encourager dans cette voie et valoriser les nouvelles idées qu’il apporte. Plus l’entreprise grandit, plus le repreneur s’investit et est motivé à faire changer et évoluer les choses. Arrive un moment où le cédant, bien qu’il ait toujours aimé que sa relève pose un regard neuf sur ce qu’il fait, paraît bousculé par les commentaires de son repreneur qui conteste ses plans. Le ton monte. Le patron est mécontent de voir son autorité ainsi remise en question, devant ses employés qu’il cherche à unifier autour d’un projet rassembleur. C’est la stabilité de l’équipe qui est en jeu.
De son côté, le repreneur est surpris de ce revirement, puisqu’on lui a toujours demandé de s’affirmer avec franchise. Cette situation crée une ambiance lourde et désagréable pour le reste des employés qui se sentent de trop dans cet effet de querelle familiale. Ces discussions malaisantes ne sont pas rentables pour personne.
Solutions pour éviter une explosion d’émotions
Si vous vous reconnaissez dans cette histoire, sachez qu’il s’agit d’une problématique fréquente et qu’il existe de nombreux outils pour vous aider.
Tout d’abord, rappelez-vous cette règle de base : pour qu’une réunion soit efficace, 80 % des sujets abordés doivent concerner tout le monde. Avant de prendre la parole, demandez-vous :
- À qui s’adresse mon message ?
- Est-ce l’endroit pour le partager ?
Si ce que vous avez à dire ne concerne qu’une personne précise, il peut être préférable d’en parler avec elle, seul à seul.
Vous pouvez aussi vous poser les questions suivantes :
- Est-ce que je suis encore curieux de savoir ce que l’autre pense ?
- Est-ce que je lui donne assez d’espace pour intervenir ?
Lorsqu’une personne tente seulement de convaincre l’autre de la validité de son point de vue, elle n’est plus dans l’échange. Il est fort probable que son destinataire ne se sente pas compris et respecté, puisqu’elle n’essaie pas de se mettre à sa place pour partager son point de vue.
Au moment où l’un des deux se rend compte que la discussion est en train de couler et de se transformer en « duel », c’est le temps de s’arrêter. Vous pouvez essayer de désamorcer la crise avec un peu d’humour : « On est donc ben passionnés aujourd’hui ! Ce serait mieux de prendre une pause. » Proposez à l’autre d’ajourner la discussion pour la reprendre en privé. Ce temps d’arrêt vous permettra de réfléchir à ce que vous voulez dire et de terminer la réunion du bon pied. C’est la solution la plus saine pour toute l’équipe. Le cédant et le repreneur peuvent ainsi s’accorder du temps ensemble pour régler les problèmes qui les concernent sans impliquer les employés non apparentés. Il sera ainsi possible pour le repreneur de challenger l’autorité patronale en privé, et le cédant pourra accueillir les suggestions de sa relève avec plus d’ouverture.
Si vous avez besoin de plus de trucs pour désamorcer les conflits et les problèmes de communication, n’hésitez pas à consulter notre article « Quand le ton monte au sein des familles en affaires ».
Nous vous invitons ainsi à laisser parler vos passions, librement, sans implosion, pour rester allumés ensemble. Cela prend seulement une bonne dose de bienveillance et de compréhension !
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Haïku
Bien communiquer sa passion
c’est allumer une flamme dans la curiosité des autres
sans se laisser consommer par sa fougue.
(ni éteindre la leur!)
Sylvie Huard
Moi-même entrepreneure, repreneure et cédante à plusieurs reprises, le terrain en matière de transfert d’entreprise, je m’y connais! Eh oui, j’ai réalisé 10 transactions d’actions, dont 3 en entreprises familiales. J’ai aussi eu le grand privilège d’occuper le poste de PDG au sein d’une entreprise qui a vu ses ventes passer de 13 à 100 millions de dollars en 11 ans.
Malgré un parcours enrichissant dans le monde des affaires, un MBA et un baccalauréat en psychologie, je suis en perpétuelle formation, cherchant sans cesse à raffiner mon art.
Accompagner une famille en affaires, c’est plonger au cœur non seulement de son entreprise, mais aussi de son intimité. Et c’est pour créer ce sentiment de confiance essentiel pour se dévoiler et se dire les vraies affaires, même quand c’est difficile, que je mets tout en œuvre pour créer des espaces intergénérationnels sécurisants.
Chacun a sa propre façon de redonner au suivant. Pour ma part, je me dédie au bien-être des individus et des familles par la recherche et l’écriture. Dans Entreprise familiale : jaser d’affaires en famille sans cocotte de vaisselle , j’ai voulu outiller les familles à préserver l’harmonie familiale et la pérennité de leur entreprise.