Lorsque la vision de l’entreprise n’est pas partagée, que les objectifs sont présentés sans être expliqués et que les stratégies de croissance et de marketing sont protégées comme si elles étaient un secret national, la jeune génération fait du sur place.
«Je ne peux pas lui montrer les états financiers de l’entreprise, car est-ce qu’il va comprendre les chiffres ?» «Est-ce qu’il pourra garder ces informations confidentielles ?» «Est-ce qu’il va en profiter pour me demander une augmentation de salaire ?»
Des peurs comme celles-là, j’en perçois souvent de la part de la sage génération. C’est si rare qu’on parle de chiffres ou de gestion du risque dans les familles en affaires ! Mais pourquoi tant de non-dits ? Quelles sont leurs conséquences ? Qu’est-ce qu’on peut faire pour remédier à la situation… ou carrément l’éviter ? C’est ce que nous allons voir…
Quand tout part d’une bonne intention
Dans la majorité des familles en affaires, les gens croient qu’en n’abordant pas les sujets qui dérangent comme l’argent, le train de vie, les attitudes déplacées, l’actionnariat ou la gestion du risque, ils réussiront à maintenir l’argent. ‘argent. ‘harmonie familiale. Après tout, personne ne veut faire de la peine à un membre de sa famille ou bien créer des frictions. Une intention louable, je vous l’accorde, mais pas viable.
Malheureusement, à force de garder ses questions, ses déceptions et ses frustrations pour soi, on ne se comprend plus et ça fini par exploser.
Quand les non-dits s’accumulent…
« Comment pense-tu que je vais réussir à prendre la relève de l’entreprise alors que tu ne m’as jamais montré les livres ? »
Réaction tout à fait normale d’un repreneur à son parent cédant. Achetez-vous une maison sans l’avoir visitée? Sûrement pas. Avant de prendre la relève, la jeune génération doit tout connaître de l’entreprise bien avant la signature officielle… et ça inclut les chiffres.
« Ben voyons, tu ne nous as jamais dit que tu voulais travailler moins . »
Dans les familles en affaires, on passe tellement de temps à parler du boulot qu’on oublie qu’on est avant tout une famille et que chacun a une identité et des besoins qui lui sont propres. Si certains ne vivent que pour l’entreprise, d’autres accordent plus d’importance aux loisirs ou aux moments en famille. Et ça, si on n’en parle pas, personne ne peut le deviner. Et quand on en parle, il arrive que certains se jugent mutuellement ou se trouvent certaines situations inéquitables.
Lorsque la vision de l’entreprise n’est pas partagée, que les objectifs sont présentés sans être expliqués et que les stratégies de croissance et de marketing sont protégées comme si elles étaient un secret national, la jeune génération fait du sur place. Elle n’a aucune idée où l’entreprise familiale se situe dans son industrie. Est-ce qu’elle est compétitive ? Innovante ? Louable ? Aucune idée.
Éducation et transparence : le remède
Tout passe par l’éducation et la transparence pour enrayer les effets des non-dits. Tout. De plus, toutes les parties suscitent de l’entreprise ont un rôle à jouer : la jeune génération (individu), les parents (famille), les dirigeants (entreprise) et les propriétaires (propriété).
Et l’éducation des repreneurs, ça ne commence pas à 40 ans… début ça dès la tendre enfance, avec des apprentissages simples. D’ailleurs, Wendy Sage-Hayward, consultante canadienne auprès des familles en affaires, a créé un tableau très intéressant qui présente le cadre de développement des repreneurs en fonction des différentes étapes de la vie.
Par exemple, un jeune qui apprend à reconnaître ses champs d’intérêt, ses forces et ses faiblesses sera amené à faire des études qui le passionnent et à occuper un poste dans lequel il se réalisera et performera.
Un enfant qui apprend la valeur de l’argent deviendra un adolescent qui comprendra l’importance de l’épargne, puis un adulte qui jonglera avec le budget prévisionnel, le flux de trésorerie et les états financiers.
Et si les repreneurs sont déjà adultes ?
Rassurez-vous : il n’est jamais trop tard pour commencer. Cependant, assurez-vous de réunir la famille et d’aborder des sujets relativement légers qui susciteront peu d’émotions. Gardez les chiffres pour la fin et débutez plutôt en discutant de la vision de l’entreprise.
La vision, c’est rassembleur, c’est positif, c’est tourné vers l’avenir. Définissez ensemble une destination commune. Ce sera plus facile par la suite d’aller de l’avant avec des sujets plus délicats.
C’est aussi important d’informer la jeune génération de l’histoire de l’entreprise, incluant les conflits passés et actuels, même si ça peut faire mal d’ouvrir de vieilles blessures. Tout fini par se savoir, alors aussi bien que ça vienne de vous.
Je ne le répéterai jamais assez : misez sur le cerveau collectif. La jeune génération a besoin de la sage génération pour connaître l’entreprise, ses rouages et toutes les connaissances essentielles à son succès et à sa pérennité. Mais la sage génération a tout aussi besoin de la jeune génération pour faire face aux nouvelles problématiques grâce aux méthodes et aux outils modernes.
Et puis, quand la jeune génération est prête à prendre la relève, il est temps pour le cédant de lâcher prise sur la direction, d’assumer un nouveau rôle dans l’entreprise (souvent celui de mentor) qui sera compris et accepté des nouveaux. dirigeants ou même d’explorateur de nouveaux champs d’intérêt.
Je vous connais, vous, les familles en affaire : vous consacrerez la majorité de votre temps, de votre cerveau et de votre créativité au service de l’entreprise. C’est pourquoi je vous invite à faire remonter la famille dans vos priorités. Rassemblez-vous plus souvent uniquement pour le plaisir. Je vous mets au défi de passer une journée ensemble sans parler de boulot. Dédiez un peu plus de temps à l’éducation entrepreneuriale de vos enfants. Faites tout cela dans le bon ordre et récoltez de la transparence et de l’harmonie.
Sylvie Huard
Accompagnatrice, médiatrice et fondatrice
Moi-même entrepreneure, repreneure et cédante à plusieurs reprises, le terrain en matière de transfert d'entreprise, je m'y connais! Eh oui, j'ai réalisé 10 transactions d'actions, dont 3 en entreprises familiales. J'ai aussi eu le grand privilège d'occuper le poste de PDG au sein d'une entreprise qui a vu ses ventes passer de 13 à 100 millions de dollars en 11 ans.
Malgré un parcours enrichissant dans le monde des affaires, un MBA et un baccalauréat en psychologie, je suis en perpétuelle formation, cherchant sans cesse à raffiner mon art.
Accompagner une famille en affaires, c'est plonger au cœur non seulement de son entreprise, mais aussi de son intimité. Et c'est pour créer ce sentiment de confiance essentiel pour se dévoiler et se dire les vraies affaires, même quand c'est difficile, que je mets tout en œuvre pour créer des espaces intergénérationnels sécurisants.
Chacun a sa propre façon de redonner au suivant. Pour ma part, je me dédie au bien-être des individus et des familles par la recherche et l'écriture. Dans Entreprise familiale : jaser d'affaires en famille sans cocotte de vaisselle , j'ai voulu outiller les familles à préserver l'harmonie familiale et la pérennité de leur entreprise.